1 . NAISSANCE DE DUCATI : LA SSRD.
Tout a donc commencé en 1926, en pleine période d’entre deux guerres, lorsque les trois frères Adriano, Bruno et Marcello Ducati décident de créer une entreprise de condensateurs, et de composants radio.
Dans cette Italie dirigée par Mussolini, la propagande est importante et doublée d’un illettrisme important, elle permet à Ducati de faire rapidement de bonnes ventes de postes de radio.
Les frères Ducati appellent leur société la "Societa Scientifica Radiobrevetti Ducati".
L’usine implantée à Borgo Panigale, dans les environs de Bologne, est un creuset de l’industrie de transmission et de radio puisque c’est également le pays d’origine de Guglielmo Marconi, inventeur du télégraphe sans fil.
Lorsque la guerre éclate, 7000 ouvriers travaillent pour la SSRD tandis qu’à Turin, Aldo Farinelli de la société Siata ("Societa Italiana per Applicazione Tecniche Auto Aviatorie" prévoyant la fin de la guerre, prépare secrètement un petit moteur à explosion adaptable sur des vélos.
Les premiers tests auront lieu en 1944 et le moteur 48cc est baptisé "Cucciolo" (petit chien). Le moteur, principalement constitué d’un alliage silicone-aluminium pesait 7 kilos et consommait peu (1 l/100).
Après la fin de la guerre, le Cucciolo est présenté au grand public et c’est bientôt un tel succès que la SIATA a du mal à fournir tous les clients. A Bologne, les bombardements ont totalement détruit les usines Ducati où 9000 ouvriers attendent du travail. Le rapprochement SIATA-SSRD se fait donc naturellement en 1946. Ducati reçoit une aide financière de l’IRI (Institut de Reconstruction Industrielle) et l’IRI décide que c’est Ducati qui s’occupera de la construction du Cucciolo. C’est également Ducati qui va commercialiser le 48cc en reversant à son concepteur un pourcentage.
En 1946, il se vend 15 000 Cucciolos, 25 000 l’année d’après jusqu’à atteindre les 60 000 en 1948. Ducati détient alors 50% du marché italien .
En 1950 Ducati a vendu 200 000 unités du Cucciolo et pour la première fois de sa longue histoire, l’usine va opérer une augmentation de cylindrée en passant à 60cc. En effet, la concurrence est désormais affûtée avec notamment la firme Caproni, qui jadis collaborait avec Ducati mais qui a depuis sorti son propre 50 cc 4T, baptisé "Capriolo". Face à la concurrence que représente les scooters Vespa et Lambretta, Ducati décide de lancer le Cucciolo dans la course pour doper ses ventes.
Quelques records du Cucciolo :
Monza, 5 mars 1951 :
- 10 km à 62.717 km/h
- 6 heures à 65.548 km/h
- 100 miles à 66.092 km/h
Monza, 16 mai 1951 :
- 10 km à 72.756 km/h
- 12 heures à 67.156 km/h
Monza, 13 novembre 1951 :
- 10 km à 76.400 km/h
- 48 heures à 63.200 km/h
Après plusieurs victoires, le Cucciolo repart surfer sur les vagues des grosses ventes. Plusieurs records battus permettent à cette version 60cc capable d’atteindre 70 km/h en pointe d’asseoir le succès de Ducati.
3 . LES EVOLUTIONS
En 1950, le modèle 60 sports est la première Ducati à franchir le cap d’une nouvelle augmentation de cylindrée avec un moteur de 65cc. Sa version suivante, baptisée 65 TS va demeurer au catalogue Ducati une dizaine d’années.
En 1952 au salon de Milan, nouvelle augmentation de cylindrée avec l’apparition de plusieurs modèles munis du moteur de 98cc. Des versions solo, biplace et même sport sont disponibles avec une vitesse de pointe de l’ordre de 90 km/h. Des constructeurs spécialisés proposent des petites pièces afin de pousser le 98cc dans ses derniers retranchements et de gagner des km/h de plus. La consommation reste toutefois très honnête puisqu’elle est de l’ordre de 2.5 l/100.
Une fois de plus les ventes des modèles équipés du 98cc sont une véritable réussite populaire et vont perdurer jusque dans les années soixante, se vendant à plus de 100 000 exemplaires. C’est grâce aux bénéfices du 98cc que Ducati peut envisager sereinement l’avenir immédiat et se pencher sur des modèles plus poussés.
En 1953 la partie électronique de la firme et la partie moto se séparent en deux entités différentes respectivement "Ducati Elettronica SpA" et "Ducati Meccanica SpA".
Pour se lancer à l’assaut du créneau des motos plus performantes, Ducati a fort à faire car la concurrence dans ce domaine a bien plus d’expérience. De plus rien ne remplace un succès en compétition pour doper les ventes.
Giuseppe Montano qui est le directeur de Ducati depuis que les frères fondateurs se sont installés en Argentine après les premiers succès du Cucciolo, se rend compte que ses ingénieurs ne sont pas assez affûtés pour concevoir les moteurs de l’étape suivante.
C’est alors qu’entre en scène l’homme sans qui Ducati ne serait jamais devenue la firme qu’elle est aujourd’hui, Fabio Taglioni, alias "Docteur T".
Cet ingénieur quitte Mondial, la société qui l’employait, pour rejoindre Ducati en 1954 avec comme mission de concevoir de nouveaux modèles capables de gagner des courses et donc d’assurer les ventes qui en seront la répercussion directe.
Le premier moteur issu de la prise des rênes techniques par Taglioni est un 100cc qui deviendra plus tard un 125cc puis un 175cc grâce à des réalésages successifs.
La 100 Sport est d’un dessin simple, pourvue de solutions techniques ingénieuses et élégantes (simple arbre à came entraîné par engrenage conique). Elle est présentée en mars 1955 et prend le surnom de Marianna, soit quelques semaines seulement avant le Giro d’Italia où Montano entend bien engager le nouveau modèle pour des tests grandeur nature.
A l’origine la Marianna développe 9 CV à 9000 tr/mn et un taux de compression de 8.5 : 1 qui va bientôt passer à 9.7 : 1 pour une puissance de 9.4 CV à 9800 tr/mn. Le régime maxi annoncé par Taglioni s’élève à 11500 tr/mn, état d’esprit caractéristique de l’ingénieur qui aime savoir ses motos pourvues d’une "réserve de puissance".
Ducati remporte haut la main le Giro d’Italia où toutes les étapes de plus de 500 km de distance sont gagnées par des Marianna.
En 1956 apparaît la première évolution baptisée Grand Sport Bialbero qui présente une puissance de 15.5 CV à 10500 tr/mn et surtout qui se caractérise par un double arbre à cames. Cette 125cc n’atteint toutefois pas encore la puissance des Mondial et autres MV qui flirtent avec les 20 CV. En voulant s’en rapprocher, les ingénieurs de Ducati atteignent le régime maximal autorisé par le moteur. Dès lors, le surrégime guette les pilotes et le syndrome d’affolement des soupapes n’est pas loin.
C’est ce qui va permettre à Taglioni de mettre au point un concept technique sur lequel il se penche depuis ses études : une fermeture forcée de l’admission et de l’échappement, plus communément appelée "distribution desmodronique". Ce concept n’a toutefois rien de révolutionnaire puisqu’il fut utilisé par Mercedes en 1950 dans ses voitures de grand prix. Dans le monde de la moto, une marque italienne du nom de Azzaritti construisait des machines en 1933 qui utilisaient également ce procédé.
Toutefois, en juillet 1956, pour le GP de Suède, Ducati étonne son monde en présentant sa 125 qui atteint 17 CV à 12500 tr/mn avec une réserve de puissance allant jusqu’au chiffre astronomique de 14 000 tr/mn.
Pendant de temps, au salon de Milan en décembre 56, Ducati présente la 175 Sport, qui possède déjà la ligne qui perdurera jusque dans les années soixante dix. La 175 Sport est la première Ducati à envahir les terres américaines par l’intermédiaire des frères Berliner dans le New Jersey.
Joseph et Michael Berliner ont quitté la Hongrie pour émigrer aux USA en 1947. Avant la guerre, les deux frères travaillaient avec leur père dans un petit bouclard de Budapest spécialisé dans la réparation des motos Zundapp mais aussi des radios et autres machines.
Après la guerre, les deux frères fuient le régime communiste pour s’installer à Hasbrouck Heights, dans le New Jersey.
Joe Berliner, l’aîné, débute les affaires en 1948 en devenant l’importateur américain de Jawa puis de Zundapp et enfin de Sachs. Après son service militaire en Corée de 1951 à 1953, Mike Berliner rejoint son frère pour l’aider dans ses affaires. A cette époque, les américains ne jurent que par Harley et Indian, certains découvrent Triumph mais très peu ont entendu parler de Ducati. Les frères Berliner sont loin d’en être des spécialistes et c’est plus par business que par passion bolognaise qu’ils vont y venir.
En 1958, Joe Berliner tombe devant le mono 175cc Ducati au salon de Cologne. Sentant que cette moto a sa place de l’autre côté de l’océan, il conclut un accord avec Montano et bientôt il va s’occuper d’importer les 125cc et 175cc de l’usine italienne sur les terres de l’oncle Sam.
Les vendeurs tombent immédiatement sous le charme de ses nouvelles venues européennes, de même que les clients.
En 1959, alors que Ducati tablait sur 700 motos vendues aux USA, les Berliner réussissent à en écouler 2000. L’année suivante, il s’en vendra 3000. L’histoire est en marche…
Les modèles 175cc vont donc connaître un réel succès, de part les victoires en course bien sûr mais aussi grâce au fantastique tour du monde d’un an réalisé par deux employés de Ducati. Tartarini et Moretti vont traverser trente pays et parcourir 60 000 km au guidon de 175 T entièrement d’origine.
Une première concession ouverte en Inde leur permet de faire réviser leurs motos alors qu’en Australie et en Amérique du Sud ils sont accueillis par des passionnés grâce à l’image de Ducati en compétition.
En 1958 Ducati présente la 200 Elite équipée d’un moteur de 175 réalésé malgré l’avis de Taglioni qui avait tout d’abord refuser l’opération sans un renforcement préalable de l’embiellage.
Toutefois les premiers essais du 200cc ne mettent pas en évidence le moindre problème de fiabilité du bas moteur.
Les cyclomoteurs Cucciolo sont eux abandonnés ou du moins remplacés par des versions de 85cc.
Nous sommes alors à la fin des années cinquante et la gamme Ducati couvre cinq cylindrées : 85, 98, 125, 175 et 200cc.
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